Le problème principal de la formation d'image sous forte ouverture numérique provient de l'inclinaison élevée des rayons intervenant. Des ouvertures numériques de 0,70 ; 0,95 (dans l'air) ou 1,30 (dans l'huile d'immersion) conduisent à des rayons extrêmes formant avec l'axe optique de l'objectif des angles de respectivement 45°, 72° et 59° ! On est donc très loin des conditions de Gauss et du domaine d'utilisation du stigmatisme approché. Pour obtenir des images de qualité, il faut impérativement travailler avec des conjugaisons rigoureusement stigmatiques et aplanétiques. Ainsi, il est fait une grande utilisation dans la conception des objectifs de microscope, du centre de courbure et des points de Weierstrass des dioptres sphériques
Remarque : La brique de base est le ménisque aplanétique d'Amici (voir figure ci-dessous). L'objet se trouve au centre de courbure du premier dioptre. Son image (superposée à l'objet) est au point de Weierstrass réel du second dioptre qui en donne une image virtuelle agrandie sous une ouverture numérique diminuée.
Par conséquent, le couple de points objet/image optimal de l'objectif est figé. Par ailleurs, de simples dioptres plans peuvent avoir une influence considérable sur la qualité d'image comme le montre le paragraphe suivant.
La plupart des préparations d'objets microscopiques observées par transmission sont protégées par une fine lame de verre à faces planes et parallèles appelée lamelle couvre objet. Cette lamelle, bien qu'ayant une puissance optique nulle, altère cependant les rayons obliques qui la traversent (déplacement latéral). Ce phénomène, d'autant plus important que les rayons sont inclinés, se traduit par une dégradation du stigmatisme comme le montre la figure 4 (introduction d'aberration sphérique).
On considère usuellement que la lamelle provoque ainsi une chute perceptible de la qualité de l'image observée dès que l'ouverture numérique de l'objectif dépasse 0,30. Pour des ouvertures numériques supérieures à 0,70 la dégradation de l'image est flagrante, voire dramatique.
Il est cependant possible de remédier à ce problème en engendrant dans l'objectif, par une conception judicieuse de celui-ci, une aberration opposée à celle introduite par la lamelle. Il faut bien réaliser qu'un tel objectif donne a contrario une mauvaise image d'une préparation non recouverte d'une lamelle. Les constructeurs proposent donc en général deux versions de tous leurs objectifs d'ouverture numérique supérieure à 0,30, l'une, prévue pour travailler avec lamelle couvre objet, l'autre, (plutôt dédiée aux microscopes dit métallographiques, i.e. observant des objets opaques éclairés en réflexion à travers l'objectif (Cf. Fig.12, dans les compléments à la fin de ce cours) prévue pour travailler sans lamelle. Une gravure sur la monture permet de différencier les différents modèles (voir la sous-partie « Marquage des objectifs »)
L'aberration introduite par la lamelle dépend de son épaisseur et de son indice. La correction introduite par l'objectif n'est donc valable que pour un modèle bien précis de lamelle couvre objet. Un type standard de lamelle a donc été défini (norme ISO TC172-8255). Son épaisseur est de 0,170 mm, son indice de 1,517 à 588nm et sa constringence de ~64 (verre standard N‑BK7 de Schott ou S‑BSL7 de Ohara). Les tolérances sur les deux premiers paramètres sont d'autant plus drastiques que l'on envisage de travailler à ouverture numérique élevée. L'épaisseur devrait, par exemple, être correcte à ±5 µm pour travailler sans perte sensible de qualité à ouverture numérique 0,85. Il est toutefois extrêmement difficile de se procurer de telles lamelles. (Les lamelles couramment disponibles dans le commerce sont le plus souvent garanties par le fabriquant à ±0,030 mm ! ). C'est pourquoi certains objectifs de haute qualité de très grande ouverture numérique disposent d'une bague rotative permettant d'ajuster la correction à l'épaisseur effective de la lamelle utilisée.
Il est possible de faire une observation qualitative du phénomène en utilisant comme objet une lame aluminée présentant de minuscules trous dans l'aluminure. Ces trous, illuminés par l'éclairage Köhler, vont servir d'objets lumineux quasi-ponctuels sur fond sombre et permettre ainsi l'observation de la réponse percutionnelle de l'objectif. Si l'objectif est parfait et la mise au point précisement réalisée, la réponse percutionnelle est une tache d'Airy. Dans les autres cas, la tache observée et surtout son évolution avec la mise au point renseigne sur la qualité du système. Cette méthode (classique) de mesure des aberrations d'un système optique porte le nom de méthode du point lumineux. La figure 5 présente les réponses percutionnelles d'un système parfait (colonne a) et celle d'un système entaché d'aberration sphérique (colonne b) pour différentes mises au point de part et d'autre de l'image paraxiale.
D'une ligne à l'autre la mise au point a varié d'une même quantité. L'image paraxiale correspond, pour les deux colonnes, à la deuxième ligne. L'image a2 représente donc une tache d'Airy. En présence d'aberration sphérique, la meilleure mise au point ne correspond plus à l'image paraxiale. La meilleure réponse percutionnelle obtenue alors (image b3) possède des anneaux secondaires d'intensité très supérieure à ceux de la tache d'Airy, ce qui explique le brouillage d'une image formée avec un tel système aberrant. Notez, colonne a, la symétrie de l'évolution de la réponse percutionnelle de part et d'autre de la meilleure mise au point (a2) lorsque le système n'a pas d'aberration. En présence d'aberration sphérique (colonne b), les réponses percutionnelles obtenues de part et d'autre de la meilleure mise au point (b3) sont par contre très différentes.
La dynamique d'une image (8 bits) reproduite sur un écran est très inférieure à la dynamique de l'œil, qui en observation réelle percevrait des anneaux secondaires très faibles, invisibles ici.
L'utilisation de conjugaisons rigoureusement stigmatiques, comme les points de Weierstrass, dans la conception des objectifs de microscope impose que l'image intermédiaire observée avec l'oculaire se trouve à une position précise et fixe relativement à l'objectif. La mise au point doit donc être faite par modification de la distance objet/objectif, la distance objectif/oculaire étant fixée. Un microscope doit donc travailler comme un viseur à frontale fixe. Afin de permettre une certaine interchangeabilité des composants (statifs, objectifs, oculaires) entre différents constructeurs des normes dimensionnelles précises ont été définies pour le microscope ( ISO TC172 [8036 à 8040 + 8255 + 8578...] ). Les plus importantes sont reportées Fig. 6 ci-dessous [ ].
Le plan de l'image intermédiaire doit donc être 10 mm en dessous de l'épaulement de l'oculaire et le plan objet à 45 mm de l'épaulement de l'objectif 1 . La longueur de tube (i.e. la distance séparant l'appui de l'objectif de l'appui de l'oculaire) a par ailleurs une valeur normalisée de 160 mm. Il est cependant possible de trouver d'autres longueurs ; celle de 230 mm est, par exemple, rencontrée sur les microscopes métallographiques anciens. Mais surtout, un type d'objectifs, dits corrigés pour une longueur de tube infinie (ou en raccourci, corrigés à l' ∞), est proposé par la plupart des constructeurs pour leur matériel haut de gamme. Ces derniers objectifs sont prévus pour donner à l'infini une image sans aberration de l'objet observé. Cette image est ramenée à distance finie par un système optique convergent supplémentaire, dit lentille de tube 2 , contenue dans le statif du microscope. L'image réelle ainsi formée, équivalente à l'image intermédiaire des microscopes “conventionnels”, est observée avec l'oculaire. L'intérêt de cette configuration réside dans la plus grande facilité de réalisation et d'insertion dans le trajet optique de composants supplémentaires comme ceux nécessaires aux techniques de contraste ou à l'éclairage par réflexion.
Le point clef réside dans le fait qu'une lame à faces parallèles, même oblique, n'introduit pas d'aberration pour et uniquement pour des objets à l'infini (voir les deux pages de compléments à la fin de ce grain).
Devant la multiplicité des configurations possibles, l'utilisateur doit donc faire très attention de bien utiliser des objectifs adaptés au statif qu'il emploie3. À cette fin, la longueur de tube à utiliser est normalement gravée sur la monture de l'objectif. Ce point sera détaillé au paragraphe suivant.
Les objectifs, comme on vient de le voir, sont donc fort nombreux, même chez un unique constructeur. Pour que l'utilisateur puisse s'y retrouver, un certain nombre de renseignements sont systématiquement gravés sur la monture des objectifs. Il s'agit du grandissement de l'objectif4, de son ouverture numérique, du milieu d'immersion (s'il est différent de l'air), de l'épaisseur de lamelle et de la longueur de tube (en mm) pour lesquelles il est corrigé. Ces informations sont en général complétées par une référence, propre à chaque constructeur, qui identifie la "classe" de l'objectif (voir la sous-partie suivante " Classes d'objectifs de microscope ").
Ces informations ont le plus souvent l'une des deux dispositions suivantes, avec parfois quelques indications complémentaires, propres à chaque constructeur ou modèle d'objectif :
Voici quelques exemples extraits du catalogue d'objectifs de différents constructeurs:
Les milieux d'immersion sont le plus souvent référencés en anglais. Oil caractérise l'huile d'immersion (n≈ 1,517 à 588nm). Le mnémonique ih (pour immersion homogène) a la même signification sur les objectifs français très anciens. On peut également rencontrer W pour l'eau (Water) et Gly pour la glycérine.
On rappelle par ailleurs que l'indication (×Z) gravée sur la monture d'un oculaire est le grossissement intrinsèque commercial de celui-ci. Ce nombre est parfois suivi d'un second, appelé indice de champ, qui indique le diamètre en millimètre de la zone effectivement observée de l'image intermédiaire (de 18 en bas de gamme, cet indice peut atteindre 26 mm en très haut de gamme, avec une valeur usuelle aux alentours de 22. Les objectifs doivent évidemment être en adéquation avec l'oculaire utilisé). Par ailleurs, un symbole de lunettes ou la lettre L signifie que l'oculaire donne une pupille de sortie suffisamment éloignée du verre d'œil pour une observation confortable avec une paire de lunettes correctrices.
Ne pas oublier à contrario de mettre en service la bonnette si l'on ne porte pas de lunettes.
Idéalement, un objectif de microscope devrait donner une image limitée par la diffraction sur l'intégralité du champ observé. Une telle qualité, qui est évidemment accompagnée d'un coût très élevé, n'est cependant pas absolument nécessaire pour toutes les applications de microscopie. C'est pourquoi les constructeurs proposent trois ou quatre “classes” d'objectifs, de performances et de prix différents. Ces classes, avec quelques variantes d'un constructeur à l'autre, se répartissent ainsi :
Un exemple de combinaison optique d'un objectif ×40 de qualité moyenne (catégorie "Plan-Achromat") est donné figure 9.